Vente immobilière – Vice caché et phénomène naturel extérieur
Publié le :
30/11/2022
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Cass. 3e civ., 15 juin 2022, n° 21-13.286, FS-B, W c/ L : JurisData n° 2022-009420
Viole l'article 1641 du Code civil en ajoutant à la loi une restriction qu'elle ne comporte pas, la cour d'appel qui, pour rejeter l'action en garantie des vices cachés engagée par l'acquéreur d'une maison en raison de nuisances provenant de l'échouage saisonnier d'algues sargasses, retient qu'un phénomène extérieur, naturel, dont la survenue était imprévisible ne constitue pas un vice caché.
Dans cet arrêt publié, la Cour de cassation adopte une conception extensive du vice caché affectant un bien immobilier en considérant que ce vice peut provenir d'un phénomène extérieur. Alors que la garantie des vices cachés s'applique normalement au vice inhérent à la chose vendue, cette jurisprudence élargit le champ d'application de l'article 1641 du Code civil.
Par acte notarié du 14 novembre 2016, un propriétaire vend une maison d’habitation située en bordure du littoral en région d’outre-mer.
Courant 2017, l’acquéreur constate l’échouage d’algues sargasses à proximité de la maison et leurs effets néfastes sur la santé de sa famille et sur la maison.
L’acquéreur saisit alors le tribunal de grande instance d’une demande aux fins d’annulation de la vente sur le fondement de la réticence dolosive et, subsidiairement, pour vice caché en raison de la pollution environnementale causée par les algues sargasses, précisant que cette information lui avait été volontairement dissimulée lors de la vente.
Débouté de ses prétentions par jugement du 14 mai 2019 du tribunal de grande instance de Fort-de-France, l’acquéreur relève appel de la décision.
Par un arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France du 24 novembre 2020, la position du juge de première instance est confirmée.
Le pourvoi formé par ce dernier à l'encontre de l'arrêt est accueilli par la Cour de cassation, qui, sur le visa de l'article 1641 du Code civil censure la décision intervenue.
En effet, aux termes de ce texte, le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Pour rejeter la demande en résolution de la vente, l'arrêt retient qu'un phénomène extérieur, naturel, dont la survenue était imprévisible, ne constitue pas un vice caché.
En statuant ainsi, la Cour d'appel, qui a ajouté à la loi une restriction qu'elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé.
Applicable en droit commun de la vente, l'article 1641 du Code civil instaure un principe de garantie du vendeur envers les acquéreurs au titre des vices cachés de la chose vendue.
Pour pouvoir prospérer, cette action est soumise à diverses conditions tenant aux caractéristiques du vice caché, qui doit être inhérent à la chose vendue.
Sur les caractéristiques du vice caché
En premier lieu, la garantie ne porte que sur les vices rédhibitoires.Aux termes de l'article 1641 du Code civil, il faut que le défaut invoqué rende le bien acquis impropre à l'usage auquel il est destiné ou en diminue tellement cet usage que l'acquéreur n'aurait pas procédé à l'achat ou l'aurait fait à un moindre prix. Cette première condition exclue de la garantie les vices de moindre importance.
En deuxième lieu, le vice doit être caché lors de la vente, ce qui suppose que son existence ne pouvait pas être connue de l'acquéreur.
Le vice caché se définit comme « le défaut que l'acheteur ne pouvait déceler compte tenu de la nature de la chose vendue et dont il n'a pas eu connaissance au moment de la vente.»
Doit également être qualifié de vice caché celui dont l'acquéreur connaissait l'existence lors de la vente mais sans avoir pu en apprécier l'ampleur.
Lorsque l'acquéreur est non professionnel, le vice est réputé caché à son égard s'il a pu légitimement en ignorer l'existence au jour de la vente. L’acheteur profane est réputé incompétent.
En revanche l'acquéreur professionnel est, en raison de ses compétences, présumé connaître le vice. Il s'agit d'une présomption simple qui s'écarte devant la preuve du dol du vendeur ou du caractère indécelable du vice.
Par ailleurs, la jurisprudence considère que, même visible, un vice peut être invoqué si l'acquéreur ne pouvait en mesurer l'ampleur et les conséquences au jour de la vente.
Si le vice est apparent ou connu le jour de la vente, il ne peut donner lieu à garantie (C. civ., art.1642).
En troisième lieu, le vice ne peut être reconnu que s'il existait antérieurement à la vente. La preuve du caractère antérieur du vice incombe à l'acquéreur.
Bien que non exigée par la loi, la jurisprudence exige pour engager la garantie que le vice soit antérieur ou concomitant à la vente, ou plus précisément au transfert des risques c'est-à-dire le plus souvent au transfert de propriété.
Sur le caractère inhérent du vice
Traditionnellement, la jurisprudence fixait une condition complémentaire tenant au fait que le vice devait être inhérent au bien vendu.Les juges ont pu retenir comme vices cachés les défauts suivants : fondations défectueuses, insuffisant solidité des parties maîtresses d’un appartement, présence de termites, risque inondation excessif, inconstructibilité du terrain.
En retenant en tant que vice caché, un phénomène naturel extérieur tenant à l'échouage des algues sargasses, la Cour de cassation a franchi un pas supplémentaire dans l'admissibilité d'une cause extérieure à la chose vendue.
À ce titre, on pourrait prendre en compte différents phénomènes climatiques ou naturels, sous réserve toutefois que ceux-ci n'aient pas été portés à la connaissance de l'acquéreur, au moyen des diagnostics remis, notamment de l'état des risques et pollution qui doit être transmis à l'acquéreur lors d'une vente dans un immeuble situé dans une zone à risque.
L’action doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
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